De par nos cultures monothéistes et nos idées relativement préconçues sur le polythéisme, il est aisé de se méprendre ou de passer à côté de l'un des aspects les plus importants et immersifs de l'univers "héroïque fantaisie".
Je vais citer Ed Greenwood, le créateur des Royaumes Oubliés avec une traduction aussi précise que possible :
Dans les Royaumes Oubliés, le commun des mortels a besoin du soutien moral que procure la religion. D'autant plus que les dieux ont déjà prouvé leur existence durant les Temps de Trouble et la prouvent chaque jour via leurs prêtres. La préoccupation principale des mortels, quelle que soit leur catégorie sociale, est d'obtenir la protection de dieux qui pourront assister dans leurs entreprises quotidiennes ou éviter des problèmes à venir. Pour chaque bénédiction existent des conditions, ce qui explique que quelqu'un opposé à l'alignement d'un dieu n'en recevra probablement pas grand chose, hormis la colère et la rancœur des autres divinités, à moins qu'il ne supplie la dame des maladies d'épargner sa famille de la peste, sans pour autant la respecter ? La foi est un mélange de croyance profonde, d'adhésion et de crainte.Presque tous les êtres de Faerun adorent de nombreux dieux; en règle générale, seuls les fanatiques et le clergé ne vénèrent qu'une seule divinité... N'importe quel mortel de n'importe quelle race peut adorer n'importe quelle divinité. Bien sûr, l'éducation d'un adorateur potentiel et sa position morale ou éthique rendent très improbables certains rapprochements de foi. Les choix les plus inhabituels sont généralement le résultat d'un individu cherchant le bon appel, ou attribuant le résultat d'un événement de vie important à l'influence ou à l'action directe d'une divinité particulière... Le Faerunien moyen vit assez longtemps pour adorer (ou servir à travers ses actions) une divinité au-dessus de toutes les autres - bien que dans de nombreux cas, la divinité qu'une personne donnée affectionne le plus pourrait ne pas être évidente pour un mortel mourant ou pour n'importe qui d'autre... Il finit dans l'au-delà au service de la divinité la plus adaptée vis à vis de ses principes moraux et éthiques ... Pour presque tous les mortels, la "religion" consiste à embrasser l'adoration d'une divinité - même si elle n'est à leurs yeux, que légèrement supérieure à toutes les autres -
Les dieux trouvent toujours un moyen d'intéresser les mortels, que ce soit en influençant leur vie pour les pousser à croire ou en les contraignant en rendant leur vie impossible. De plus, du type le plus idiot des bas quartiers aux sauvages vivant aux confins de Maztica, la peur de l'après-vie est prédominante et chacun souhaite aller dans un "au-delà" où il fait bon vivre et non aux abysses (A moins que les conditions soient bonnes, mais là encore il faut vraiment, vraiment être motivé). Par conséquent, il est important pour tous les mortels de gagner des bon points moraux pour s'assurer le bon paradis dans l'au-delà. Et c'est d'autant plus important que la mort peut arriver à n'importe quel moment. Les maladies peuvent emporter en un tour de bras, les monstres et les combats peuvent survenir à tout instant. Par conséquent, la mort est un sujet sérieux et prédomine dans les cercles les plus démunis comme les plus riches ouvrant de fait la voie à une recherche active de spiritualité.
Dans un environnement polythéiste, les gens prient un groupe de dieux selon leur style de vie et leurs besoins, mais il est toujours une divinité qui leur "parle" plus que les autres, une divinité qui leur correspond mieux. C'est la divinité tutélaire ou patronne. Toutefois, cela n'a rien d'un monothéisme. Cette pratique entraine un besoin récurrent de recueillement et de recentrage autour des valeurs chères à cette divinité et à des confessions régulières pour "laver" les pêchés et corriger les déviances qui pourraient compromettre l'accès à l'au-delà souhaité.
Les panthéons régionaux (Le panthéon de féérune est un panthéon régional lui même) ont leurs spécificités que je ne traiterai pas ici. De même que les panthéons raciaux. Ces derniers sont généralement relativement complets et sont la vocation première des ressortissants de ladite race qui y trouveront généralement plus de proximité, de reconnaissance et de soutien (Enfin, tout dépend de la bienveillance des clergés en question...). Dans ce dernier cas, seuls les individus possédant du sang actif de ladite ou lesdites race(s) peuvent généralement aspirer à la prêtrise dans ces panthéons, les autres races en étant exclues. Pour autant, en fonction des chemins de vie, il est possible de prier un dieu ou un panthéon de race différente et d'aspirer à les rejoindre dans l'au-delà. Un humain rêvant d'être un elfe pourrait tout à fait suivre les préceptes de la Seldarine du mieux qu'il le peut dans l'espoir de rejoindre Arvandor dans la peau d'un elfe une fois mort.
Les prêtres, paladins et autres serviteurs divins sont souvent bien plus marqués dans leur pratique religieuse avec une prédominance de la divinité tutélaire. Mais aucun n'ignorera les autres dieux et un Paladin de Torm peut sans problème prier pour obtenir les bienfaits de Tymora ou se marier dans un temple de Sunie.
La vision des prêtres dans l'esprit du commun des mortels :
Les prêtres sont les intermédiaires entre les mortels et les dieux. Outre tous les services hospitaliers et les cérémonies, les prêtres sont un support nécessaire pour le soutien moral et la salvation de l'âme. Selon les clergés, ils peuvent servir de guides spirituels, de conseillers et de modèles. Certains s'impliquent dans l'éducation et dispensent des services qui vont au delà de leurs seules prérogatives religieuses. Tous ont en commun leur capacité à réaliser des miracles et à faire appel à la magie. Ils peuvent en outre se battre plus que décemment et assurer le repos des morts en combattant la non-vie, ce qui en fait souvent de véritables figures patriarcale/matriarcale aux yeux des populations.
Les prêtres sont souvent peu enclins à utiliser leur magie sur les ordres de quelqu'un d'autre, en particulier de quelqu'un qui n'est pas leur supérieur ecclésiastique et souvent, certains services sont payants ou tout simplement refusés si le prêtre les estime inadéquats ou incompatibles avec sa foi.
De fait les prêtres sont souvent regardés comme de puissants éléments, prévisibles mais ingouvernables par des individus non ordonnés. Un prêtre soignera parce que cela fait partie de la vocation de son ordre (avec ou sans paiement), mais pas parce qu'on le lui intime.
>> Le cas de la résurrection
La mort est considérée comme un drame pour les vivants, mais comme une étape naturelle dans le cycle des choses. Rappeler un mort à la vie est un fait vraiment rare et souvent réservé à une élite privilégiée car le prix à payer est largement hors de portée de la majorité des bourses et les prêtres suffisamment puissants pour réaliser ces rituels sont rares. Qui plus est, les clergés ont des notions éthiques variables concernant cette pratique et il peut être mal vu de ramener une âme ayant rejoint sa divinité car cela revient à affaiblir directement cette divinité en plus de troubler le repos -mérité- de l'âme. Les prêtres les moins regardants peuvent simplement monnayer à prix d'or leurs services tant qu'ils demeurent rares, mais les plus regardants évalueront les mérites et si la résurrection est justifiée.